Port-au-Prince — À l’heure où la Police nationale d’Haïti mène ses offensives les plus décisives contre les groupes armés depuis plusieurs années, une série de manœuvres politiques au sein du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) soulève des interrogations majeures. Beaucoup se demandent quelle est la véritable vision du CPT pour le pays, à deux mois du 7 février, et surtout pourquoi ces tensions éclatent maintenant.
Pourquoi certains membres du CPT cherchent-ils à remodeler ou renverser le gouvernement actuel au moment même où les forces de l’ordre progressent contre les gangs ? Les opérations de la PNH exigent stabilité, continuité et cohésion politique. Changer un gouvernement en pleine offensive signifie interrompre les chaînes de décision, ralentir les politiques publiques et affaiblir l’autorité de l’État au moment où elle tente justement de se réaffirmer. Le timing laisse planer des doutes sur les motivations réelles derrière ces tentatives de chamboulement.
Changer un gouvernement n’est jamais un acte anodin. C’est un processus long : démission du cabinet, nomination d’un nouveau Premier ministre, consultations, négociations, formation du cabinet, installation des ministres, transfert des dossiers sensibles. Même en période normale, cela prend entre 45 et 90 jours. À deux mois du 7 février, un tel changement paraît irréaliste, voire dangereux pour la stabilité du pays.
Si un gouvernement est remplacé à 60 jours de la date butoir, les risques sont importants. L’administration peut se retrouver paralysée, le temps que les nouveaux ministres prennent connaissance des dossiers. Des priorités comme la sécurité, l’aide humanitaire et l’appui logistique du CEP peuvent en pâtir. Le calendrier électoral, déjà fragile, pourrait être repoussé, suspendu, voire totalement remis en question. Toute transition institutionnelle précipitée menace mécaniquement les engagements pris et les avancées réalisées.
Plusieurs analystes notent que certains membres du CPT semblent croire qu’en provoquant une recomposition gouvernementale, ils pourraient justifier un prolongement au-delà du 7 février. Ils misent sur un scénario où « les conditions ne seraient plus réunies », où un délai supplémentaire serait jugé nécessaire, leur permettant de rester. Mais aucun cadre légal, aucun accord politique ou engagement international n’appuie cette idée. Le scénario d’un maintien après le 7 février ne repose que sur des illusions politiques.
Une autre contradiction persiste : pourquoi, après près de deux ans sans organiser d’élections, certains membres du CPT semblent-ils soudainement craindre le 7 février ? Cette inquiétude tardive interroge. Est-ce la peur de la perte du pouvoir, la fin des privilèges, la disparition de l’influence politique ? Ou la réalisation, trop tardive, que le mandat touche réellement à sa fin ?
Le cœur du problème semble clair : certains membres du CPT ont pensé, ou espèrent encore, pouvoir rester après le 7 février. Pourtant, qu’ils renversent ou maintiennent le gouvernement, cela ne change rien. Le mandat du CPT reste limité et aucun arrangement interne ne peut prolonger légalement son existence telle qu’elle est structurée aujourd’hui.
À deux mois de l’échéance, Haïti se retrouve face à un paradoxe : alors que la sécurité progresse, que la population espère stabilité et cohérence, des tensions internes risquent de détourner l’État de ses priorités essentielles. La question demeure : que veut réellement le CPT pour Haïti ? Conduire une transition responsable ou prolonger l’incertitude politique ?
Pour rassurer l’international et respecter les engagements pris, l’issue est déjà connue : le CPT, tel qu’il est composé aujourd’hui, partira le 7 février. Toutefois, les discussions restent ouvertes sur une éventuelle recomposition plus stable, où un seul membre pourrait assumer la fonction présidentielle avec le Premier ministre, ou encore un schéma avec trois membres restants, dotés d’un président clairement identifié sans présidence tournante, accompagnés de deux conseillers. Les options existent, mais une chose est claire : la structure actuelle, dans son format actuel, ne survivra pas au 7 février.