Alors que le coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Fritz Alphonse Jean, fustige publiquement le ministère des Affaires étrangères pour des nominations diplomatiques jugées “honteuses”, des accusations graves émergent contre sa propre gestion des affaires de l’État. Ce 7 juin 2025 marque trois mois depuis sa prise de fonction à la tête du CPT — un mandat jusque-là marqué par l’immobilisme, la concentration de pouvoir et des soupçons croissants de conflits d’intérêts.
Dans une interview accordée au journal Le Nouvelliste, Fritz Jean a exprimé son indignation :
« Je ne suis pas d’accord avec une série de décisions prises par le ministère des Affaires étrangères. Des décisions qui nous font honte face à la communauté internationale. »
Il affirme avoir refusé des centaines de nominations diplomatiques, dénonçant une surcharge administrative dans certaines ambassades où l’on compterait jusqu’à 50 employés pour des espaces prévus pour 10 à 15 personnes.
Cependant, tandis qu’il condamne cette “pléthore diplomatique”, des révélations explosives circulent sur son propre contrôle hégémonique de l’appareil étatique. Fritz Jean a réussi à concentrer entre ses mains — ou celles de ses proches, notamment son bras droit Smith Joseph — les leviers de l’État : la Douane, la DGI, le ministère de l’Éducation nationale, la BRH, la BNC, le FDI, le PNCS, l’APN, le FNE, la PNH, et même les contrats d’achat de matériel pour la Police nationale d’Haïti.
Selon des sources internes bien placées, Fritz Jean recevrait mensuellement jusqu’à 25 millions de gourdes provenant de la Douane, qu’il refuse de laisser à d’autres mains, bloquant activement les processus de nomination de directeurs généraux au sein du gouvernement, faute de pouvoir assurer le maintien de Julcène Édouard, actuel directeur général de la Douane, auquel il tient fermement.
Toujours selon ces sources, des contrats fictifs seraient attribués au sein du PNCS, des nominations fantômes au ministère de l’Éducation nationale empêcheraient les véritables enseignants de toucher leur salaire, et des décisions internes seraient dictées sans consultation des autres membres du Conseil.
Selon des sources concordantes, il contrôlerait également tous les contrats de la Douane, allant jusqu’à faire remplacer les imprimantes de l’institution nationale parce que les nouvelles encres importées par Smith Joseph n’étaient pas compatibles avec celles existantes. Toujours selon ces sources, le directeur général de la DGI lui aurait promis plusieurs carreaux de terre dans le Grand Nord en échange de son soutien politique.
En matière de sécurité, malgré avoir raflé tous les contrats liés à l’achat d’équipements pour la PNH, les résultats sur le terrain restent invisibles : les gangs continuent de semer la terreur à Port-au-Prince comme en province. Quant au ministère de l’Éducation nationale, il est totalement sous la coupe de Smith Joseph, son fidèle poulain, qui serait à l’origine de nombreuses nominations fictives, bloquant les salaires des véritables enseignants.
Sur le plan institutionnel, le coordonnateur du CPT n’a convoqué que deux conseils des ministres en trois mois. Plusieurs conseillers dénoncent un boycott stratégique visant à empêcher toute décision qui pourrait mettre en danger le poste de Julcène Édouard à la Douane, proche de Fritz Jean dont le maintien à ce poste semble être une obsession.
Un haut responsable ayant requis l’anonymat s’est confié:
« Il dénonce ce qu’il fait lui-même. Il condamne les autres pour les dérives qu’il orchestre de son côté, dans un silence stratégique. »
Interrogé par Le Nouvelliste sur l’implication présumée de membres du CPT dans les nominations diplomatiques, Fritz Jean a répondu de manière évasive :
« La liste des nominations est sur les réseaux sociaux avec les personnes de référence. »
D’un autre côté, un conseiller présidentiel cité anonymement dans le même média a affirmé ne pas être informé du processus, tout en concédant que :
« Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et certains membres du CPT comme Gérald Giles et Smith Augustin ont à eux seuls référé plus de 90 % des personnes nommées. »
Cette double posture de Fritz Jean — entre dénonciations publiques et concentration opaque de pouvoir — sape les fondements d’une transition pourtant censée ramener la confiance et la stabilité.
À deux mois de la fin de son mandat, l’homme qui rêvait de devenir président d’Haïti semble en passe de réaliser la présidence transitoire la plus inefficace et controversée de ces dernières années.
En attendant des réponses plus claires, l’opinion publique reste suspendue aux révélations de coulisses, dans un contexte où la crédibilité des institutions de transition se fragilise chaque jour davantage.